
MacIntyre et l’enquête morale
03 mars 2026 · 8h00 – 04 mars 2026 · 17h00
Colloque Unicaen/ICP
Descriptif
[fr] Depuis les années 1990, la réception française de la philosophie d’Alasdair MacIntyre a été filtrée par deux prismes déformants : l’éthique des vertus et la critique communautarienne de l’individualisme libéral. Ce colloque voudrait contribuer à explorer une œuvre que ces deux déterminations, toutes deux rejetées par l’auteur, sont loin d’épuiser. Le point de départ de ce décentrement pourrait être trouvé dans un terme qui ne cesse de revenir sous la plume de l’auteur et s’apparente à « l’activité caractéristique de l’esprit humain » : l’enquête, un terme aux résonances pragmatistes que MacIntyre mobilise en aristotélicien thomiste. En matière éthique, l’enquête relève à la fois de l’investigation théorique et d’une quête existentielle, les vies humaines apparaissant comme des « quêtes narratives » ou des « vies d’enquête » sur la nature du bien humain. L’enquête peut d’abord renvoyer à la pratique philosophique de MacIntyre lui-même, croisant philosophie, histoire et sciences sociales. Elle désigne aussi, dans sa perspective, le point de jonction entre vie pratique et philosophies morales, soit le lieu de la rencontre des formes ordinaires de délibération individuelle et des conceptions plus larges du bien véhiculées dans ce que l’auteur désigne comme des traditions d’enquête. L’enquête se comprend ainsi, enfin, comme un type d’investigation collective et transhistorique : celui des traditions et de la tradition aristotélicienne thomiste dont MacIntyre en vient à se réclamer. Il s’agira donc de revenir sur l’ensemble de la recherche philosophique de MacIntyre, de sa quête d’une éthique authentiquement marxiste dans les années 1950 à sa pratique, dans After Virtue, d’une histoire philosophique écrite d’un point de vue aristotélicien, puis à la défense du thomisme comme forme d’enquête morale alternative à l’héritage des Lumières et du nietzschéisme. Une première perspective consistera à interroger le rapport de cette pratique d’enquête philosophique à ses sources, d’abord dans la tradition hégéliano-marxiste, puis dans la philosophie de Wittgenstein et l’historicisme de Collingwood, trois influences fondatrices. Un autre enjeu important serait celui de l’évaluation de la manière dont MacIntyre se rapporte aux figures centrales de son histoire philosophique et à leurs pratiques d’enquête, en approfondissant le type de lecture qu’il propose d’Aristote et Thomas, mais aussi de Kant ou Kierkegaard, toutes centrales dans son « histoire partisane » de l’éthique. Une troisième direction pourrait être la confrontation de son interprétation narrative des vies humaines comme quêtes aux approches herméneutiques de l’identité personnelle développées par Paul Ricoeur et Charles Taylor.
[en] Since the 1990s, the French reception of Alasdair MacIntyre’s philosophy has been filtered through two distorting prisms: virtue ethics and the communitarian critique of liberal individualism. This conference aims to explore a body of work that is far from exhausted by these two determinations, both of which were rejected by the author. The starting point for this decentering could be found in a term that keeps recurring in MacIntyre’s writings and appears as “the characteristic activity of the human mind”: enquiry, a term with pragmatist resonances that MacIntyre mobilizes as a Thomistic Aristotelian. In ethical terms, enquiry is both a theoretical investigation and an existential quest, with human lives appearing as “narrative quests” or “lives of enquiry” into the nature of the human good. With this expression of “moral enquiry”, contributions are invited first and foremost on MacIntyre’s own philosophical practice, combining philosophy, history and the social sciences. From his perspective, it also refers to the meeting point between practical life and moral philosophies, that is, the place where ordinary forms of individual deliberation meet the broader conceptions of the human good conveyed in what the author refers to as traditions of enquiry. Enquiry is thus understood, finally, as a type of collective and transhistorical investigation: that of the traditions and the Thomistic Aristotelian tradition that MacIntyre comes to claim as his own. The aim is to review MacIntyre’s entire philosophical research, from his quest for an authentically Marxist ethic in the 1950s to his practice, in After Virtue, of a philosophical history written from an Aristotelian point of view, and then to his defense of Thomism as an alternative form of moral enquiry to the legacy of the Enlightenment and of Nietzsche. A first perspective will be to question the relationship of this practice of philosophical enquiry to its sources, first in the Hegelian-Marxist tradition, then in the philosophy of Wittgenstein and the historicism of Collingwood, three seminal influences. Another important issue would be to assess the way in which MacIntyre relates to the central figures of his philosophical history and their practices of enquiry, delving into the kind of reading he proposes of Aristotle and Thomas, but also of Kant or Kierkegaard, all central to his “partisan history” of ethics. A third direction might be to compare his narrative interpretation of human lives as quests with the hermeneutical approaches to personal identity developed by Paul Ricoeur and Charles Taylor.
Programme provisoire, susceptible d’évoluer
Mardi matin – MacIntyre et le néoaristotélisme anglophone, dans le sillage de Wittgenstein
Présidence : Maud Pouradier
Présentation introductive de la biographie intellectuelle de MacIntyre par Andrew Ives (Université de Caen Normandie, MCF, en attente de confirmation)
Jean-Cassien Billier : (Paris Sorbonne, MCF) : la critique du non-cognitivisme éthique chez MacIntyre
Pierre Fasula (Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur associé) : On MacIntyre and Wittgenstein
Blandine Lagrut (Facultés Loyola, MCF, en attente de confirmation) : MacIntyre et Anscombe
Mardi après-midi – Dialectique, vertus et vérité à l’école d’Aristote et de Thomas d’Aquin
Présidence : Gweltaz Guyomarc’h
Charlotte Murgier (Paris 1 Panthéon Sorbonne, MCF) : MacIntyre, reader of Plato and Aristotle: on the relationship between dialectical inquiry and truth in Whose Justice? Which Rationality?
Alice de Fornel (Paris 1 Panthéon Sorbonne, doctorante) : Écrire une histoire philosophique d’un point de vue aristotélicien : sur l’interprétation d’Aristote qui sous-tend Après la vertu
Iacopo Costa (CNRS) : sur le thomisme de MacIntyre
Mercredi matin – Une philosophie des traditions à l’épreuve des conflits de la modernité
Présidence : Emmanuel Housset
Ronan Sharkey (Institut Catholique de Paris, MCF) : Collingwood, MacIntyre and Skinner on the history of normative concepts
Joséphine Jamet (Institut Catholique de Paris, MCF) : Søren Kierkegaard et Alasdair MacIntyre on « radical choice »
Ostiane Lazrak (Université de Caen Normandie, ATER) : D’une herméneutique de la tradition à une philosophie des traditions. MacIntyre et Gadamer
Godefroy Desjonquères (doctorant, EHESS) : Ethics in the Conflicts of Modernity dans l’oeuvre de MacIntyre
Mercredi après-midi – Enquête morale, explorations politiques
Présidence : Kelvin Knight
Andrius Bielskis (Kaunas University of Technology, Professor) : MacIntyre on Plain Persons vs. the Ordinary
Delphine Frasch (ENS Lyon, doctorante) : MacIntyre et E. P. Thompson dans la New Left : penser une tradition révolutionnaire
Conférence de clôture de Kelvin Knight